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Les plantes médicinales d'Outre mer
Vers une reconnaissance méritée et vitale pour la population


Il aura fallu deux siècles pour que les plantes médicinales des DOM-TOM sortent de l'ombre et entrent par la grande porte, celle de la loi, dans la panoplie de la pharmacopée française. Ce résultat a été obtenu par une exceptionnelle synergie de compétences et de volontés. Le patient et efficace travail du groupe TRAMIL, qui, associant les savoirs des chercheurs de la région caraïbe, botanistes, chimistes, agronomes, pharmaciens spécialistes en pharmacognosie et en phytothérapie a permis d'identifier, répertorier, analyser, valoriser et enfin imposer des plantes essentielles pour traiter les maladies tropicales sur lesquelles la médecine chimique s'avérait impuissante. Les acteurs politiques locaux et nationaux et les Administrations notamment celle de l'Outre mer ont porté ce projet et sans eux rien n'aurait été possible. Qu'ils en soient remerciés. Je ne peux que laisser la parole à la juriste, qui, cheville ouvrière de l'ensemble du processus, s'est battue pas à pas pour la reconnaissances des plantes médicinales des DOM-TOM, et a su surmonter les obstacles juridiques et administratifs et secouer un immobilisme à parfum d'enjeux économiques très éloigné de l'intérêt général des populations.

Guy Roulier

Cette intervention réactualisée de Maître Isabelle ROBARD (Docteur en droit.DESS Droit de la santé) intitulée :

"Les plantes médicinales françaises d'Outre-Mer enfin réhabilitées"
a été faite le 14 mars 2003 à Kourou lors du CONGRES UTIP GUYANE XIXème journées pharmaceutiques.
téléchargeable ici dans le format original

L'utilisation des plantes médicinales s'inscrit dans le mouvement plus large du développement des médecines traditionnelles ou non-conventionnelles, selon le terme officiel consacré par le Parlement européen en mai 1997.

L'Organisation Mondiale de la Santé définit la médecine traditionnelle comme une médecine comprenant " diverses pratiques, approches, connaissances et croyances sanitaires intégrant des médicaments à base de plantes, d'animaux et/ou de minéraux, des traitements spirituels, des techniques manuelles et exercices, appliqués seuls ou en association afin de maintenir le bien-être et traiter, diagnostiquer ou prévenir la maladie ".

Dans son programme 2002-2005, l'OMS affirme la nécessité d'intégrer les médecines traditionnelles dans les systèmes de santé dans les pays en voie de développement au même titre que dans les pays développés.

Le développement croissant du marché mondial des médicaments traditionnels à base de plantes est estimé selon l'OMS à 60.000 millions de $ US.

Parallèlement à ce phénomène de développement des médecines non-conventionnelles, le citoyen aspire à une prise de contrôle sur son propre corps et sur sa santé. De patient, l'individu devient usager de la santé, consommateur de soins de santé, acteur de sa propre santé.

Les droits des patients sont affirmés par de nombreux textes nationaux, européens et internationaux, le Code civil déclarant notamment que " chacun a droit au respect de son corps ".

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 indique :

" Les Etats parties au présent Pacte reconnaissant le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental qu'elle soit capable d'atteindre ", ce qui implique non seulement un droit d'accès aux soins mais un droit d'accès à toutes les formes de soins, et en particulier celui de l'accès aux plantes locales et ancestralement utilisées par la population.

C'est ainsi -alors qu'aucune spécialité pharmaceutique métropolitaine n'est efficace pour certaine pathologies très spécifiques aux Départements d'Outre-Mer, telles que les dermatoses, la dengue ou encore la drépanocytose- que les plantes d'Outre Mer peuvent apporter des réponses.

La déclaration sur la promotion des droits des patients en Europe adoptée en 1994 indique que " chacun a le droit de recevoir les soins correspondants à ses besoins, y compris des mesures préventives et des activités de promotion de la santé ". Tandis encore que la Charte de Llubljana de 1996 précise qu'" il faut adopter ... une vision plus large que celle des soins curatifs traditionnels ".

Les DOM sont dotés d'un patrimoine exceptionnel en matière de plantes médicinales et aromatiques auquel la population est très attachée. Pourtant, les DOM ne peuvent disposer librement de ce patrimoine ethnobotanique, contrairement à la population métropolitaine, qui elle peut disposer du patrimoine végétal correspondant à ses propres culture et histoire.

Dans un premier temps je rappellerai l'état de la réglementation française relative aux plantes (I), puis j'exposerai la problématique domienne (II) et démontrerai que le cadre juridique français permet une adaptation législative (III). Pour terminer, je vous exposerai les actions et démarches qui ont été menées (IV).

I. LA REGLEMENTATION FRANÇAISE RELATIVE AUX PLANTES

C'est l'article L 5111-1 du Code de la santé publique qui porte définition du médicament :

" Est considérée comme médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques ".

Un médicament doit disposer d'une A.M.M. (autorisation de mise sur le marché) impliquant la réalisation d'études chimiques, biologiques, biotechnologiques, toxicologiques, pharmacologiques, cliniques et galéniques.

A cela, le Code de la santé publique précise que la vente des plantes médicinales appartient au monopole pharmaceutique hormis une liste de 34 plantes fixée par un décret de 1979.

Afin de ne pas pénaliser le développement des plantes, un système d'A.M.M. (autorisation de mise sur le marché) allégée (dispensant de démontrer propriétés thérapeutiques et la toxicologie) les a été mise en place, fondé sur l'usage traditionnel reconnu et l'innocuité garantie. Un groupe d'experts a donc travaillé dès le début des années 1980 afin de faire une première sélection de plantes ; diverses listes successives ont été élaborées. Un dernier avis émis par l'A.F.S.S.A.P.S. (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) a établi une liste de presque 200 plantes avec plusieurs indications d'utilisation possible. Toutes les plantes toxiques ont été exclues bien sûr. On trouve dans cette liste, des plantes exotiques tels que le Ginseng de Chine et le Combretum d'Afrique.

Les plantes peuvent donc être vendues en vrac, avec A.M.M. normale ou avec A.M.M. allégée et également sous forme de préparation magistrale en officine.

La France a également prévu à partir de 1996 une définition juridique du complément alimentaire, tandis que la Communauté européenne a prévu dans ce domaine une directive en juillet 2002.

Pour autant, avant de pouvoir utiliser cette réglementation, encore faut-il que les plantes françaises d'Outre-Mer puissent être déjà inscrites à la Pharmacopée française.

II. PLANTES FRANÇAISES D'OUTRE-MER ET PHARMACOPEE : DESCRIPTION DE LA PROBLEMATIQUE

Les pharmaciens domiens ne peuvent pas librement vendre leurs plantes locales; ils ne sont autorisés à diffuser que les plantes métropolitaines tels que la lavande ou le tilleul, inconnus en Outre-Mer et surtout par la population qui, en majorité, n'a même jamais vu un champ de lavande. De ce fait, les professionnels de santé ne peuvent les prescrire privant ainsi la population d'un accès à ses propres plantes alors que cette flore peut être efficace, à moindre coût, dans de nombreuses pathologies. En outre, ces plantes sont seules à apporter des solutions efficientes dans diverses pathologies spécifiques aux DOM (dengue, dermatoses, mycoses, drépanocytose).

Pourquoi une telle situation ?

Car, en vertu du Code de la santé publique, pour la réalisation des préparations magistrales, hospitalières et officinales, " seules les matières premières répondant aux spécifications de la pharmacopée peuvent être utilisée, sauf en cas d'absence de matières premières répondant auxdites spécifications disponibles et adaptée à la réalisation de la préparation considérée ".

En effet, il convient de savoir qu'un pharmacien qui recourt à des plantes hors pharmacopée, peut engager sa responsabilité de droit commun et disciplinaire. En matière de plantes médicinales, le Code de la santé publique prévoit le monopole pharmaceutique pour " la vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée sous réserve des dérogations établies par décret ".

Or, si la situation des pharmaciens d'Outre-Mer est conditionnée par cette inscription à la Pharmacopée française, encore faut-il qu'il y ait une définition de la pharmacopée.

Or, justement il n'existe pas de définition juridique de la pharmacopée ni au niveau français ni au niveau européen.

Au sein de l'A.F.S.S.A.P.S existe une Commission nationale pharmacopée composée de 37 membres comprenant un groupe d'experts " Pharmacopée, drogues et extraits d'origine végétale ".

Nous remarquons qu'aucune précision obligatoire n'est donnée quant aux monographies (fiches exhaustives réalisées sur une partie de plante en vue de permettre son entrée à la pharmacopée française) tant en droit français qu'en droit communautaire.

Aujourd'hui, seules 19 plantes d'Outre-Mer sont inscrites à la Pharmacopée française : citronnelle, curcuma, gingembre, jujubier, ortosiphon, muscadier aromatique....

En faisant des recherches historiques avec le Docteur Henry JOSEPH, président de l'APLAMEDAROM (Association pour la promotion des plantes médicinales et aromatiques en Guadeloupe), nous constatons que cette situation de non intégration de la pharmacopée domienne dans la pharmacopée française remonte à la période de l'esclavage. En effet, si un décret du 4 février 1794 a procédé à l'abolition de l'esclavage, le 20 mai 1802 c'est son rétablissement. On retire aux Nègres, libres ou esclaves, le droit d'exercer la médecine, la chirurgie, la pharmacie ainsi que le droit de vendre et distribuer des drogues et plantes. Pourquoi ? Car les colons craignent d'être empoisonnés.

Or, je constate que c'est par une loi de 1803 qu'est prévu la mise en place du premier Codex . Ce premier Codex paraîtra en 1818. Il est clair qu'en 1818 l'esclavage n'est pas encore aboli et que les plantes françaises d'Outre-Mer furent totalement exclues.

Pourtant dès 1984, une équipe de 200 chercheurs internationaux répartis sur 30 pays (Etats-Unis, Allemagne, bassin caribéen, Amérique du Sud, Espagne, Suède, Pays Bas, France, Suisse etc in projet TRAMIL) a établi, à partir des usages populaires des plantes, faisant ainsi un pont entre hier et aujourd'hui, de nombreux travaux scientifiques en vue de parvenir à la classification des usages de parties de plantes en trois catégories, débouchant sur la 1ère édition d'une "pharmacopée caribéenne " en 1999 : les plantes en cours d'investigation, les plantes toxiques et les plantes recommandées.

Ces travaux satisfaisant au principe de précaution et qui devraient normalement permettre une entrée de ces plantes à la pharmacopée française n'ont pas reçu un écho favorable par l'A.F.S.S.A.P.S.

Pourtant, tout est réuni pour permettre de prendre en compte juridiquement les plantes françaises d'Outre-Mer.

III. UN CADRE JURIDIQUE PERMETTANT UNE ADAPTATION LEGISLATIVE

Un certain nombre de textes juridiques permettent de mettre en place une véritable intégration juridique des plantes domiennes dans la pharmacopée francaise.

Sur le plan du droit interne :

En vertu de l'article 73 de la Constitution française, les Départements d'Outre-Mer peuvent faire l'objet de mesures spécifiques d'adaptation en raison de leur situation particulière. - Une liste de 196 plantes pouvant prétendre à l'obtention d'A.M.M. allégées sur le fondement de l'usage traditionnel (et donc sans avoir à monter des dossiers de toxicologie et de propriété thérapeutique), il est d'autant plus surprenant qu'il ne soit pas possible de faire entrer de simples parties de plantes domiennes à la Pharmacopée française, alors que l'usage traditionnel se compte en plusieurs décennies, voire davantage et que des travaux scientifiques rigoureux ont été menés. - La loi d'orientation du 14 décembre 2000 vise à promouvoir le développement durable ; les plantes sont par excellence un des leviers du développement durable.

Sur le plan du droit international :

- La Résolution de 1989 de l'Assemblée mondiale de la Santé, encourage les Etats membres à " faire une évaluation compréhensible de leur système traditionnel de médecine, faire un inventaire systématique et une évaluation (pré-clinique et clinique) des plantes médicinales utilisées par les praticiens traditionnels et par la population ".

- En 1998, l'O.M.S. a mis l'accent, sur les questions de santé des autochtones.

Il a été conclu que : " les peuples autochtones et leurs approches de santé devraient avoir leur place dans l'élaboration des politiques ".

- L'O.N.U.D.I. (Organisation des Nations Unies pour le développement industriel), dès 1986, recommande que la recherche, le développement et la distribution des médicaments à base de plantes, soient incorporés aux systèmes sanitaires.

- La Déclaration de Jakarta sur la promotion de la santé au XXIème siècle de 1997, confirme l'incidence fondamentale des conditions de vie sur la santé (un logement, un revenu...).

Or, les taux de chômage, on le sait, sont très élevés dans les Départements d'Outre-Mer (environ 30 % avec des pointes pouvant atteindre 60 % pour les Jeunes)

- Le Traité CEE parle de " développement harmonieux de la Communauté " et de " cohésion économique et sociale ", la Communauté visant à réduire les écarts entre les niveaux de développement des diverses régions et retard des régions ou îles les moins favorisées (Le FEDER - Fond européen de développement- en est une des manifestation).

Le Traité de Maastricht en 1992, évoque pour la première fois la notion de " région ultrapériphérique ".

- Le Traité d'Amsterdam explicite encore cette prise en compte de la fragilité géographique. Les mesures prises peuvent s'adapter en tenant compte de l'éloignement, de l'insularité, de la faible superficie, du relief, du climat difficile, de la dépendance économique par rapport à un certain nombre de produits.

- Un rapport de la Commission de Bruxelles de 2000 sur les mesures destinées à mettre en œuvre au titre de l'article 299§2, définit un développement durable selon 3 axes :

Revaloriser les activités économiques traditionnelles (agriculture), Diversifier l'activité économique, c'est-à-dire valoriser d'autres activités, Gérer les relations avec leur environnement et les autres îles : les productions sont similaires et la concurrence est difficilement surmontable.

- En décembre 2001, le Sommet des Chefs d'Etat de la Caraïbe à Santa Margarita (Vénézuela) s'est tenu sur le développement durable. Les Chefs d'Etat se prononcent dans cet objectif en faveur de la pharmacopée caribéenne.

Egalement, il faut souligner que la balance commerciale de la France est déficitaire en matière de plantes médicinales et aromatiques brutes et transformées (hors huiles essentielles) :déficit de 130 millions d'Euros de déficit.

On importe de l'orthosiphon de Java alors que l'on peut le cultiver dans les D.O.M.

De plus, à partir de 2006, en raison notamment de la concurrence de la " Banane dollars " entraînant une chute de la filière banane (chute aussi du secteur de la Cannes à sucre) la " Banane " ne sera plus subventionnée. Il est donc nécessaire de prévoir dès maintenant, au risque d'avoir à faire face à un marasme économique et à des conflits sociaux dans les D.O.M, une diversification et une revalorisation de l'agriculture par d'autres cultures, en l'occurrence celles des plantes aromatiques et médicinales.

Tous les ingrédients juridiques et économiques étaient donc réunis pour agir.

IV. QUELLES ACTIONS EN FAVEUR DE LA PHARMACOPEE DOMIENNE ?

Depuis 5 ans, suite à l'édition de la première pharmacopée caribéenne en 1999, l'APLAMEDAROM (Association pour la promotion des plantes médicinales et aromatique) avait entrepris des démarches auprès de l'A.F.S.S.A.P.S, mais les choses n'avançaient pas.

La loi " droits des malades et qualité du système de santé", prévoyant l'accès direct au dossier médical, une meilleure prise en compte des droits des malades en parlant de "démocratie sanitaire ", semblait un berceau idéal pour accueillir une réforme relative à la Pharmacopée.

C'est ainsi que par lettre du 3 avril 2001, l'AFSSAPS informait le Dr JOSEPH, président de l'APLAMEDAROM et un des chercheurs du projet TRAMIL qu'une révision de la liste des plantes médicinales figurant à la pharmacopée française allait être entreprise tandis qu'un groupe d'experts " Pharmacopée - Drogues et extraits d'origine végétale " était " en mesure d'examiner les dossiers de plantes originaires des DOM-TOM ". L'AFSSAPS demandait ainsi au Dr JOSEPH de lui signifier quelles plantes parmi les 19 insérées à la pharmacopée devaient être maintenus et quelles plantes devaient y être ajoutées.

L'A.F.S.S.A.P.S. précisait ainsi :

" Pour les nouvelles plantes que vous souhaiteriez inscrire, une documentation complète relative à ces plantes vous est demandée (dénomination, composition, effet pharmacologique, indication traditionnelle) dans la limite de l'état des connaissances actuelles ".

Une réponse est ainsi faite par l'APLAMEDAROM pour deux plantes à insérer : Senna alata et Lippia alba, à laquelle il n'est donnée aucune suite par l'AFSSAPS.

En octobre 2001, lors du 2ème colloque international sur les plantes aromatiques et médicinales de l'Outre-Mer Français, à Gosier en Guadeloupe, l'A.F.S.S.A.P.S. annonce l'entrée officielle des deux plantes Senna alata et Lippia alba, mais aucune confirmation écrite n'est faite ensuite.

L'APLAMEDAROM relance l'A.F.S.S.A.P.S. en janvier 2002 qui répond en février 2002 avec de nouvelles exigences très lourdes sur la base d'une fiche technique à respecter équivalent quasiment à un dossier d'A.M.M., alors qu'il ne s'agit que de faire inscrire des parties de plantes brutes à la pharmacopée française.

Les travaux fournis par L'APLAMEDAROM à l'A.F.S.S.A.P.S. sont performants, le principe de précaution étant respecté d'une part en raison de l'ancestralité d'utilisation des ces plantes (qui bénéficient d'un recul d'utilisation très prolongée) et d'autre part car les travaux présentés présentent des données toxicologiques, données toxicologiques totalement absentes dans la Pharmacopée française.

En outre, la méthodologie TRAMIL correspond à une note de méthodologie de l'O.M.S. relative aux principes directeurs pour l'évaluation des médicaments à base de plantes, précisant qu'il importe de tenir compte de l'expérience traditionnelle.

L'O.M.S. ajoutant que: " L'utilisation prolongée et apparemment inoffensive de la substance est généralement la preuve de son innocuité ".

Dans les D.O.M., les plantes sont utilisées depuis des générations et générations et donc les critères d'utilisation prolongée et d'innocuité sont largement remplis.

Pour l'ensemble des raisons économiques, juridiques, historiques et culturelles, un amendement, immédiatement soutenu et déposé par Mme la Présidente et Sénateur MICHAUX-CHEVRY, suivis de Messieurs les Sénateurs BLANC, LECLERC et LOUECKHOTE est présenté au Sénat lors de la première lecture devant cette chambre du projet de loi " droits des malades ". Cet amendement viendra au vote le 6 février 2002, en séance de nuit et ne sera malheureusement pas soutenu par le ministre de la Santé Bernard KOUCHNER indiquant qu' "il existe une seule sorte de pharmacopée et qu'il faut avoir le temps de la consulter ". Au contraire, la Commission des affaires sociales du Sénat reconnaît l'utilité d'un tel amendement.

Bien que le vote sera négatif, il aura l'avantage de porter le problème à tous les niveaux parlementaire et ministériel.

C'est ensuite, sur la base de la loi de programme d'Outre-Mer, que l'initiative sera reprise, cette fois-ci gouvernementale, d'insérer des dispositions relatives aux plantes médicinales des D.O.M. sur la base de l'article 43 du projet de loi habilitant le gouvernement " à prendre par ordonnance, dans le cadre de l'article 38 de la Constitution, diverses mesures de nature législative afin de compléter ou clarifier l'état du droit applicable Outre-mer ... " dans le domaine du droit du travail, droit social et de la santé notamment.

Parallèlement, de nouveaux contacts sont repris avec l'A.F.S.SA.P.S. auprès des experts mais également auprès du Directeur général M. DUNETON, tant par l'APLAMEDAROM que par Mme MICHAUX-CHEVRY. Il est notamment demandé à l'Agence sanitaire de préciser qui est compétent dans le groupe d'experts en matière de pharmacopée tropicale et quelles sont les personnalités issues des D.O.M. qui y siègent. Aucune réponse sur ce point ne sera faite.

Par contre, M. le Directeur général DUNETON indiquera en octobre 2002 :

" Le groupe de travail " drogues et extraits d'origine végétale ".. a réétudié l'inscription des eux plantes proposées et réitère sa décision favorable à l'inscription de ces deux plantes sur la liste des plantes médicinales sous réserve d'avoir les données complémentaires déjà demandée ".

Il précise en outre :

" Le format de dossier qui vous a été soumis en représente qu'une structure cohérente permettant de présenter de façon précise les données scientifiques et bibliographiques... " .

Auparavant, un des experts de l'AFSSAPS nous écrivait en mentionnant un dossier type à respecter qui n'était pas encore le même que les précédents, tandis qu'une lettre précisait que les pharmaciens peuvent utiliser des plantes non inscrites à la pharmacopée française. Or, le pharmacien prend des risques, notamment déontologiques (risques de poursuites devant les instances disciplinaires pharmaceutiques) en ne recourant pas à des substances inscrites à la pharmacopée.

Enfin, l'APLAMEDAROM, dans une lettre du 9 novembre 2002, demande un rendez-vous afin de faire préciser clairement la présentation du dossier scientifique.

Le Directeur général, M. DUNETON répondra en convoquant officiellement les scientifiques de l'APLAMEDAROM pour le 7 mars 2003.

C'est ainsi que les dossiers très complets et rigoureux des deux plantes Senna alata et Lippa alba ont été présentés sur la base de monographies rédigées par un chimiste, un botaniste et un pharmacognoste, réunissant la bibliographie mondiale inhérente à ces deux plantes. La réponse positive de l'A.F.S.S.A.P.S est attendue.

CONCLUSION :

Pour la France d'Outre-Mer, le gouvernement dirigé par M. RAFFARIN a voulu privilégier la " République des proximités ", la décentralisation et le transfert des responsabilités.

C'est ainsi que Madame la Ministre GIRARDIN indique dans l'exposé des motifs du projet de loi de programme que ce projet " vise à promouvoir un développement économique de l'Outre-mer, fondé sur une logique d'activité et de responsabilité, et non d'assistanat ".

Dans ce cadre, il est précisé, à l'appui du " droit de la santé " que " le projet d'ordonnance vise à améliorer, dans l'ensemble de l'Outre-mer français, le droit de la santé publique... ", ce projet prévoyant une " meilleure prise en compte des plantes médicinales de ces départements par la pharmacopée française ".

L'article 43 intégrant la réforme a été voté par le Sénat le 22 mai 2003 et, dans les dispositions nous concernant, par l'Assemblée nationale le 6 juin 2003.

Il est important, non seulement pour des raisons juridiques, économiques et culturelles mais également de dignité, que la population française d'Outre-Mer puisse enfin accéder dans de bonnes conditions à son propre patrimoine végétal.

Or, la loi " droits des malades " du 4 mars 2002 prévoit que " le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne ", ajoutant " qu'aucune personne ne peut faire l'objet de discrimination dans l'accès à la prévention et aux soins ".

En continuant d'ignorer cette réalité culturelle, outre les conséquences économiques (la possibilité de développer une filière plantes médicinales), on imposait une pharmacopée métropolitaine à la population et par là même, on interdisait aux pharmaciens et aux médecins de remplir leur mission rôle de professionnels de santé.

Je tiens à remercier l'UTIP pour son soutien, Mme Martine BAUMGARTEN, présidente UTIP national, Madame Louis AREL-GOLITIN, présidente UTIP Guyane, M. Edouard DELTA président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques des départements d'Outre-Mer, M. Alain CHONKEL, président de l'UTIP Guadeloupe.

Isabelle ROBARD

Bibliographie et références :

- Pharmacopées traditionnelles en Guyane 1987 Pierre GRENAND, Christian MORETTI et Henri JACQUEMIN Ed de l'ORSTOM
- Plantes domiennes : entre histoire de l'esclavage et actualité juridique Dr Henry JOSEPH et Isabelle ROBARD
- Plantes médicinales des D.O.M. : vers une nécessaire adaptation du cadre juridique Isabelle ROBARD in rapport Pour une reconnaissance officielle des plantes médicinales des D.O.M. projet d'amendement au projet de loi n° 3258, décembre 2001,
- Intervention juridique Isabelle ROBARD 14 mars 2003 UTIP Guyane
- Médecines non-conventionnelles et droit, Ed Litec, 2002, Isabelle Robard
- Extrait de l'intervention juridique aux Universités d'été Antilles-Guyane, Isabelle ROBARD, 5 juillet 2002, Martinique in rapport Pour une reconnaissance officielle des plantes médicinales des D.O.M. : santé, tradition et développement durable, août 2002
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