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Interview exclusive de Paul Lannoye, ancien Député européen (1989-2004), membre de la Commission santé,environnement et protection des consommateurs



Homme de sciences, homme d'action, homme politique, esprit critique et constructif, conscient des vrais problèmes de notre temps, le moins qu'on puisse dire, c'est que Paul Lannoye n'emploie pas la langue de bois. Il a accepté de nous parler librement des grands problèmes de santé et d'environnement du présent et de l'avenir.

Guy Roulier : Paul Lannoye, le milieu des médecines non conventionnelles et de la bio vous connait bien car c'est à vous que l'on doit la "Résolution sur le statut des médecines non conventionnelles" du 29 mai 1997, votée par le Parlement européen et qui a fait grandement avancer le concept de "santé durable"; vous avez été de toutes les batailles parlementaires quand la santé des consommateurs était en jeu (Bio, OGM, pesticides...). Vous êtes aussi connu comme auteur de livres sur la santé et conférencier. Vous avez cosigné l'Appel de Paris de mai 2004 (cri d'alerte des scientifiques du monde entier sur les effets mortels de la pollution chimique)... Comment de physicien, avez-vous évolué vers l'écologie puis la politique et pourquoi avez-vous choisi d'adhérer au groupe les Verts puis de le diriger au Parlement européen ?

Paul Lannoye : Depuis mon enfance, j'ai toujours été sensibilisé à la protection de la nature. Comme scientifique, j'ai tout naturellement été attiré par le souci de comprendre le fonctionnement du monde (j'ai fait une thèse en astrophysique) et des écosystèmes. L'écologie est donc très vite devenue pour moi une vision du monde essentielle. En 1975, j'ai fondé avec un groupe d'amis la branche belge des Amis de la Terre (mouvement écologique international crée aux Etats-Unis). En 1980, je fus à la base de la fondation d'Ecolo, le parti Vert francophone de Belgique. Après avoir mené en parallèle mes activités de recherche dans le domaine de l'énergie et mon action politique, j'ai été élu en 1989 député européen Vert et j'ai donc logiquement siégé dans le groupe des Verts....jusqu'en 2004.

Question 1 : Parlons de l'avenir de l'Europe. Votre expérience de député européen vous a permis de voir de l'intérieur le fonctionnement et les dysfonctionnements de l'Europe. Le projet de traité constitutionnel qui a été soumis au vote du peuple français le 29 mai comportait des points positifs concernant notamment les Droits fondamentaux, la protection de l'environnement, la santé, le développement durable. Vous m'avez dit que selon vous ce projet de traité n'allait pas assez loin dans ces domaines vitaux pour l'avenir, non seulement de l'Europe mais du monde ? Quelles modifications vous semblent essentielles pour rendre ce traité véritablement efficace pour un développement durable, seul modèle économique viable.

Paul Lannoye : Je considère que le projet de traité constitutionnel rejeté par les Français le 29 mai dernier n'est pas du tout à la hauteur des enjeux qui se posent à l'Europe d'aujourd'hui et de demain. En constitutionnalisant les politiques libérales mises en œuvre depuis la fin des années 80 et surtout depuis le traité de Maastricht, le traité vise à pérenniser ces politiques dont on mesure à ce jour les conséquences sociales, ainsi que les contraintes budgétaires imposées aux Etats membres. En outre, du fait de la primauté systématiquement accordée à la liberté du marché et à la compétitivité sur toute autre préoccupation, notamment en matière de santé et d'environnement, l'objectif de développement durable est vidé de son sens. Rendre ce traité acceptable, c'est avant tout établir une hiérarchie des objectifs pour l'Europe qui place en premier celui du développement durable et de la santé des populations, tant en politique intérieure qu'une politique internationale.

Question 2 : Vous avez, depuis des années, entrepris une croisade pour dénoncer les méfaits de la pollution chimique sur la santé. Vous êtes signataire de l'Appel de Paris. Votre livre "Le Guide des additifs alimentaire" constitue une référence dans ce domaine. Les industriels et les pollueurs en général se défendent en disant que les doses de polluants absorbées sont infimes. C'est faire peu de cas de l'effet de concentration des polluant le long de la chaîne alimentaire. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de cet effet de concentration ?

Paul Lannoye : Le principe énoncé par Paracelse "C'est la dose qui fait le poison" s'est avéré faux. On sait aujourd'hui que certains polluants entraînent des dommages à la santé, quelle que soit la dose reçue : c'est le cas des polluants radioactifs et des produits chimiques perturbateurs hormonaux (parmi lesquels un certain nombre de pesticides). En outre, le phénomène de reconcentration des polluants le long de la chaîne alimentaire entraîne qu'une pollution à bas niveau dans l'environnement aboutit à une contamination élevée dans l'organisme humain. A cet égard, le cas le plus emblématique et le plus grave est celui de la pollution du lait maternel : les polluants organochlorés (comme le DDT, les PCB et les dioxines), présents dans l'environnement global depuis les années 60, se dégradent très lentement, se fixent dans les graisses et par la chaîne alimentaire, se retrouvent dans le lait maternel à des concentrations parfois plusieurs millions de fois supérieures à celles mesurées dans la mer ou dans les sols. C'est aussi qu'à ce jour le lait maternel est contaminé par les dioxines, dans tous les pays industrialisés, à un niveau considéré par l'OMS comme inacceptable car dangereux pour la santé des nourrissons.

Question 3 : Quelles sont les effets les plus graves sur la santé de ces pollutions ? L'Appel de Paris dénonce la responsabilité de la pollution chimique dans 80% des cancers ! Depuis L'Appel de Paris de mai 2004, les choses ont-elles commencé à changer ?

Paul Lannoye : Je pense que le problème le plus préoccupant à ce jour est la contamination par les produits chimiques perturbateurs hormonaux, produits dont on sait qu'ils agissent quel que soit leur niveau de concentration. L'élimination de tous ces produits est en conséquence une priorité absolue. L'appel de Paris est une initiative excellente qui a eu un grand retentissement. A ce jour, cependant, il est trop tôt pour en mesurer les effets. En octobre prochain, le Parlement européen devra prendre position sur le projet de directive REACH, projet qui vise à mieux contrôler les produits chimiques mis sur le marché. Ce sera l'occasion de voir l'influence qu'aura exercée l'Appel de Paris sur les députés européens.

Question 4 : Le problème des pesticides. Quels sont les effets pour la santé de l'homme de ces produits "phytosanitaires" ? Quelles solutions alternatives peut-on mettre en œuvre à l'échelle mondiale car il est bon de rappeler que les stocks de produits interdits sont fourgués aux pays du tiers monde. Il s'agit d'un véritable crime contre l'humanité et notamment contre les plus vulnérables, les enfants.

Paul Lannoye : Il y a différentes familles de pesticides; leur toxicité s'exerce de différente manière selon leurs principales caractéristiques chimiques. Une exposition chronique aux pesticides peut engendrer :
Des effets dermatologiques
Des cancers
Des troubles de la reproduction et des effets tératogènes
L'affaiblissement du système immunitaire
Des troubles hormonaux
Des effets neurologiques

Plus spécifiquement, les organochlorés :

Lymphomes Non Hodgkinien (LNH)
Leucémies
Sarcomes des tissus mous
Cancers du pancréas, du poumon, du sein

Les organophosphorés :

Lymphomes Non Hodgkinien (LNH)
Leucémies

Les dérivés de l'acide chlorophénoxyacétiques :

Lymphomes Non Hodgkinien (LNH)
Sarcomes des tissus mous
Cancer de la prostate

Les triazines :

Cancers de l'ovaire et du sein
Question 5 : Le problème des OGM Difficile pour le profane de s'y retrouver. Certains évoquent que les OGM seuls seront capables de lutter contre la famine (riz résistant à la sécheresse par exemple). Constituent-ils un progrès ou un risque pour la santé et l'environnement ? Paul Lannoye : Il est scandaleux de prétendre que les OGM permettront des lutter contre la famine. Je n'exclus pas que dans un avenir plus ou moins proche, il soit réalisable de produire des variétés OGM résistant à la sécheresse mais le problème ne se pose pas en ces termes. La famine est avant tout un problème social et politique non lié aux techniques de production; ce sont les populations pauvres ou tout simplement non solvables qui n'ont pas accès à la nourriture. Dans les pays pauvres, le problème principal est celui de l'accès aux terres cultivables et aux semences. Avec les OGM, on s'enfonce dans une agriculture industrielle avec des semences brevetées : on aggrave le problème plutôt que de le résoudre.

Les OGM constituent un risque grave pour l'environnement, principalement pour la biodiversité et la contamination possible de variétés non OGM. Les risques pour la santé ne sont pas avérés mais sont très probables du fait notamment des modifications induites du génome que les OGM alimentaires peuvent subir. Les essais sur des populations de rats nourris avec des pommes de terre transgéniques ont montré des effets graves sur leur santé (croissance, immunité et cerveau gravement perturbés).

Question 6 : Selon vous, l'Union européenne dispose t-elle réellement des moyens de contrer l'Organisation mondiale du commerce, notamment avec le problème des OGM ? Le projet de traité constitutionnel européen est-il susceptible de donner des moyens ou un poids plus important à l'Europe face à l'OMC ?

Paul Lannoye : L'Union européenne peut faire entendre sa voix au sein de l'OMC; encore faudrait-il qu'elle le veuille dans des termes qui soient favorables à la santé et de l'environnement. Les règles actuelles de fonctionnement de l'OMC sont à cet égard défavorables; il faudrait les mettre en cause. Le projet constitutionnel ne donne aucun poids supplémentaire à l'Europe face à l'OMC. Au contraire, il entérine la soumission de l'Union européenne aux règles de l'OMC.

Question 7 : Le problème des hormones me semble grave à plus d'un titre. En particulier celui des xéno estrogènes, ces substances chimiques, telles que les pesticides qui ont une action hormonale sur l'être humain et responsables de cancers hormonaux dépendants ! Quelles sont les données les plus fiables permettant de mesurer leur nocivité ?

Paul Lannoye : Depuis quelques décennies, on a pu constater sur des populations de mammifères (notamment les crocodiles des grands lacs), les effets nocifs d'une contamination par des xéno estrogènes. Le remarquable ouvrage de la biologiste américaine Theo Colborn "L'Homme en voie de disparition " expose longuement la situation. Sur les populations humaines, il semble bien que les perturbations de la différenciation sexuelle commencent à être mises en évidence chez les enfants nés de parents exposés à certains pesticides.

Question 8 : Le problème des antibiotiques. La baisse des défenses immunitaires ouvre toute grande la porte des infections les plus graves. La présence d'antibiotiques dans l'alimentation, dans la chair des poulets ou poissons d'élevage semble responsable en grande partie de la recrudescence des infections et de la résistance des micro-organismes aux traitements antibiotiques médicaux. Quel est votre point de vue sur le sujet ?

Paul Lannoye : L'utilisation trop large des antibiotiques en médecine humaine est aujourd'hui remise en question officiellement par les autorités médicales. Il serait temps en parallèle d'interdire l'usage des antibiotiques à des fins de dopage légal dans l'alimentation animale : en effet, certains antibiotiques sont autorisés comme additifs à des fins soi-disant préventives. Sans doute la législation européenne a-t-elle interdit certains antibiotiques autrefois autorisés à cet effet mais elle en autorise d'autres, largement utilisés dans les élevages industriels. C'est à mon avis inacceptable, les résidus se retrouvant nécessairement dans les produits animaux que nous consommons.

Question 9 : Parlons maintenant d'avenir. Depuis le Sommet de Johannesburg de 2002, des prises de positions politiques semblent avoir infléchi progressivement l'économie vers le développement durable. Beaucoup a été dit. Peu d'actions concrètes de grande envergure ont été entreprises. Des initiatives privées de réhabilitation de l'habitat, d'intégration de sources d'énergies renouvelables, d'économie d'énergie commencent à voir le jour. Des Agenda 21 se mettent en place, sous l'impulsion des élus locaux soutenus par la population. Une nouvelle forme de démocratie locale semble se dessiner associant économie, écologie, social et respect des cultures. Qu'en est-il au niveau européen ? Quelles sont les incitations et les entraves à cette nouvelle vision politique qui semble pourtant transcender les classiques clivage droite-gauche ?

Paul Lannoye : Autant je pense que les actions locales ou associatives sont positives et méritent respect et soutien politique, autant je suis critique à l'égard des états et de l'Union européenne. Le développement durable est devenu un concept sans contenu qui au mieux permet à certains "responsables" de se gargariser de belles paroles, au pire de tromper volontairement l'opinion en collant une étiquette novatrice à des politiques classiques. C'est ainsi que l'article I-3 du projet de traité constitutionnel européen affirme que l'objectif de développement durable doit être basé sur une croissance équilibrée. En clair, cela signifie que l'objectif de croissance reste bien en œuvre mais habillée de neuf. Cette contradiction manifeste ne semble gêner ni les auteurs du texte ni ses partisans inconditionnels. En conclusion, je pense que le salut viendra plus de la base que du sommet. Cela n'empêche pas de combattre pour le changement même si (presque) tout reste à faire.

Question 10 : Les énergies renouvelables sans oublier la promotion des négawatts (ref Christian Brodhag) ont-elles de l'avenir ? Si oui, lesquelles ? Pouvez-vous nous faire en deux mots le point sur la géothermie, le solaire, la biomasse. La France a choisi la filière nucléaire. Même si nous ne sommes pas d'accord, et sauf accident majeur ou attentat terroriste entraînant un nouveau désastre de type Tchernobyl, le nucléaire sera la source principale d'énergie en France pour le demi siècle prochain. Qu'allons-nous faire des déchets, Seront-ils recyclables ? Allons-nous, comme certains physiciens atomistes le prétendent aboutir à un nucléaire propre ? A quelle échéance ? Que pensez-vous des piles à combustibles ? Quelles sont selon vous les autres sources d'énergie d'avenir ?

Paul Lannoye : Il n'y a pas d'avenir en dehors des énergies renouvelables et d'une réduction très forte de la demande en énergie. Le solaire thermique, le photovoltaïque (production d'électricité directe à partir du soleil), l'éolien, la géothermie sont des technologies parfaitement maîtrisées et déjà mises en œuvre dans de nombreux pays même si les réalisations restent marginales en France. Le poids de l'énergie nucléaire et du lobby qui la prônent n'est pas étranger à la situation française en matière d'énergies renouvelables; le sous-développement y est flagrant. Faut-il attendre un nouveau Tchernobyl pour dessiller les yeux des responsables politiques français ? Je pense qu'aucun argument sérieux ne peut justifier qu'on continue à investir dans la filière nucléaire, au détriment des générations futures, de l'environnement et de la santé publique. J'espère que le mouvement anti-nucléaire et les partisans des énergies renouvelables convaincront les populations et les politiques et démentiront votre pronostic selon lequel le nucléaire sera la source principale d'énergie en France pour le demi siècle prochain.

La pile à combustible est une technique tout à fait intéressante et non polluante de production d'électricité. Mais tout dépend du combustible lui-même : s'il s'agit d'hydrogène, il s'agit de préciser que cet hydrogène n'existe pas en l'état dans la nature; il faut le produire à partir de la biomasse ou par électrolyse de l'eau, sachant que l'électrolyse exige de l'électricité pour fonctionner... On tourne un peu en rond, à moins de prendre en compte le fait que l'hydrogène est un bon moyen de stockage de l'électricité produite en excès (par les éoliennes notamment). Les déchets nucléaires ne peuvent à ce jour qu'être entreposés de manière à éviter tout contact avec l'environnement et à être récupérables pour le cas bien hypothétique où une technique permettant de réduire leur nocivité (transmutation?) serait au point. Je crois que le nucléaire propre est un mythe dangereux et illusoire, qu'il est impératif d'oublier sous peine de s'engager dans des voies de recherche aussi coûteuses qu'inutiles.

A suivre ...

Pour en savoir plus sur ces sujets : voir les sites en page liens.

Les livres de Paul Lannoye :

Guide des additifs alimentaires - Les précautions à prendre
Paul Lannoye Maria Denil
Frison Roche ; broché ; guide ; 06/2004

Vaccinations en question
Paul Lannoye
Frison Roche ; broché ; essai ; 12/2002

Amalgames dentaires et métaux lourds - Quels risques pour la santé et pour l'environnement ? Conférence internationale
Paul Lannoye
Frison Roche ; broché ; essai ; 02/2001

La guerre au vivant - OGM et mystifications scientifiques
Jean-Pierre Berland Jean-Louis Durand Michael Hansen Paul Lannoye
Agone ; broché ; essai ; 01/2001

La santé empoisonnée - faits et arguments en faveur d'une médecine de l'environnement
Jean Huss Paul Lannoye
Frison Roche ; 12/1998

Transgénique - le temps des manipulations Paul Lannoye
Frison Roche ; 12/1998

Pollution électromagnétique et santé Paul Lannoye
Frison Roche ; broché ; 09/1994

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